Né à Lyon (69) en 1949
Vit et travaille à Saint - Bonnet - des - bruyères (69)
Vit et travaille à Saint - Bonnet - des - bruyères (69)
Chambres noires Série II - 2023 - 3 détails de l’ensemble - Tirages
numériques en volume dans casiers à laine - 3 x 150 x 25 x 21 cm
numériques en volume dans casiers à laine - 3 x 150 x 25 x 21 cm
Ce serait par les testicules d’Ouranos jetés dans la mer par son fils Cronos qu’aurait été fécondée la Vénus originelle née de l’écume. Les peintres de la Renaissance italienne se sont amourachés d’elle, couchée nue sur des soies somptueuses froissées en vagues. Que subsiste-t-il de cette histoire, dans les chambres noires où Mathie, renonçant à féconder l’océan pour engendrer autant de filles que nécessaire à ses recherches esthétiques, met en scène des photos de celles qui illustreraient son désir d’engendrer ? Il les a étendues sur des draps de mousseline semblables aux filets de pêche où les naïades furent piégées. Une fois capturé leur reflet dans la camera oscura, l’image devient le positif d’une pellicule de bois rigide, découpée en cases telles celles d’un film, mais qui redevient souple par l’ondulation qu’il impose à ses figures qui se mettent alors à irradier, rendant à l’oeil la lumière de l’objectif qui les a capturées comme les corps endormis des Vénus de la Renaissance rendaient à la toile l’audacieux éclat d’une chair réprouvée par le règne ecclésial. Elles sont allongées là, les filles du sperme d’Ouranos, sur la vague où alternent les plis de l’onde, corps d’écume dont la chair échappe et déborde de la pellicule, alanguies dans l’impudique nudité d’un sommeil en désordre, dans le voile qui leur tresse un lit de décor, des mousses de plaisir, des cendres d’amour jamais mortes, mais nées pourtant d’avoir été arrachées à la nuit. Quand on approche l’installation on ne sait rien encore de tout ça. Mais si l’on se campe devant, le regard fixé frontalement sur les chambres, on voit leur cours noir charrier des ombres comme les âmes à qui Caron faisait traverser le Léthé. Alors, de spectateur nous devenons à notre tour l’oeil qui féconde l’écume. Serge Rivron